Parcours patrimoine : Le lycée

À l’emplacement actuel du lycée Rosa Parks s’élevait le château de Montgeron.

Le Château

Le domaine seigneurial est acquis en 1510 par les Budé, une famille de lettrés et de hauts fonctionnaires anoblie. En 1604, le chancelier Nicolas Brûlart de Sillery, négociateur avisé de la paix de Vervins et du mariage d’Henri IV avec Marie de Médicis, en prend possession. Les Carré, magistrats parisiens qui leur succèdent en 1642, édifient vers 1660 un vaste château classique. Tout au long du XVIII^e siècle, les propriétaires aménagent de somptueux jardins, qui comptent alors parmi les plus beaux d’Île-de-France.

En 1832, la marquise Victurienne, veuve du colonel Joseph de La Grange, fait l’acquisition du château seigneurial de Montgeron. La famille Le Lièvre de La Grange est une famille noble qui a servi les rois de France depuis la guerre de Cent Ans jusqu’au Premier Empire. Selon l’historien montgeronnais Jean-Charles Gatinot, c’est Louis XIV lui-même qui, en 1657, donne le titre de Marquis à Thomas Le Lièvre, et lui offre la terre de La Grange, près de Rozoy, en Seine-et-Marne.

Victurienne de la Grange manifeste un vif intérêt pour la vie locale. A sa mort, en 1852, son second mari, le docteur Thibault, lui élève un véritable mausolée dans le cimetière communal. Le monument est encore visible de nos jours.

A cette même époque, la famille démolit l’ancien château et le remplace par l’édifice actuel, sur le modèle d’une villa à l’italienne.

La famille de la Grange

Une famille impliquée

Les descendants de la famille participent activement à la vie de la commune. Le marquis Gustave de La Grange siège au Conseil municipal pendant près de 30 ans. Son fils Raymond devient maire en 1891. Propriétaire de La Pelouse, c’est lui qui décide d’ouvrir au public cette ancienne allée Royale. Il fait aussi construire le lotissement dit de « La Folie », le long de l’actuelle rue Aristide Briand. Les rues Hélène, Louise et Gisèle sont nommées ainsi en hommage aux femmes de la famille. Raymond de La Grange décède en 1904, au cours de son quatrième mandat de Maire.

Son gendre, le compte Gérard d’Esclaibes d’Hust devient maire à son tour, en 1910. Mobilisé en 1914 comme capitaine de cavalerie, il est tué dans les premiers mois du conflit. Son fils, le sous-lieutenant Raymond d’Esclaibes d’Hust, s’engage en 1915. Il trouve la mort en septembre 1916, à l’âge de 17 ans. Ayant perdu son époux et son fils unique, la comtesse Gisèle d’Esclaibes d’Hust est contrainte de vendre quelques-uns de ses biens immobiliers. C’est ainsi qu’elle cède à la Ville La Pelouse, nommée désormais allée de La Grange. La comtesse a émis une condition lors de la vente : que l’aspect et la vocation de promenade piétonne soit conservée. Ce qui nous permet, aujourd’hui encore, de profiter de belles promenades en plein cœur de Montgeron.

Un lycée pilote

Le lycée de Montgeron naît dès la rentrée 1946, en cet après-guerre glorieux et tragique où les espérances sont grandes, à la mesure des difficultés qui assaillent le pays. Trois personnalités énergiques ont impulsé sa création : Gustave Monod, grand administrateur novateur ; Josèphe Jacquiot, alors maire ; Alfred Weiler, pédagogue de renom.

L’établissement dispose du vaste domaine seigneurial. Fort d’environ 35 hectares, il est ouvert sur un grand pan de ciel et sur de vastes horizons. Les générations successives d’élèves vont y faire, ce qui n’est pas commun, l’apprentissage de la liberté ! Il pratique alors la pédagogie inventive des classes nouvelles, il est mixte et est doté d’une section technique. Il est le premier en date dans une banlieue jusque-là négligée par l’enseignement secondaire. Les rares postulants devaient, pour ce faire, rejoindre les lycées parisiens. Les lieux sont donc prestigieux, riches d’un passé aristocratique brillant, héritiers d’un des parcs à la française les mieux dessinés de l’Île-de-France. Que d’atouts ! Et que de défis !

Dès sa création fin 1946, le Lycée de Montgeron a toujours été un établissement à la pointe de la pédagogie. C’est Josèphe Jacquiot, la Maire de Montgeron (1945-1947) qui est à l’origine de l’implantation du lycée, grâce à sa grande détermination. Elle a su utiliser l’opportunité offerte par Gustave Monod, directeur de l’Enseignement du Second Degré, en recherche d’un site pour un lycée dans notre région, lui proposant le domaine de Montgeron. L’inauguration solennelle a lieu le 3 octobre 1946, en présence du ministre de l’Éducation nationale, Marcel Naegelen. L’établissement est alors considéré comme un lycée novateur : lycée mixte, au cœur d’un site admirable, situé en banlieue. Les premières années, l’établissement montgeronnais est une annexe du lycée Henri IV pour sa gestion matérielle. Le premier proviseur est Alfred Weiler, un pédagogue reconnu et professeur apprécié.

De 1946 à 1961, avec le directeur Alfred Weiler, un premier lycée fonctionne dans le provisoire, sinon dans l’inconfort, voire sous la menace d’effondrements périlleux. Le domaine a longtemps été négligé, et martyrisé par la guerre, l’occupation dévastatrice de troupes de diverses nationalités. Les lapins de garenne font un mauvais sort aux cultures du fermier. Le château, ses dépendances immédiates, l’ancienne ferme se prêtent mal à un usage scolaire. Le grand salon sert de salle de classe et de réunion, le restaurant est au sous-sol, les activités de groupe dans les bâtiments utilitaires. Par bonheur, un deuxième lycée se met progressivement en place, dans les anciens bosquets, où de longs pavillons parallèles avec ailes en retour constituent l’essentiel du dispositif. D’autres édifices, aux formes diverses, adaptées à leur fonction, se disposent aux alentours. L’architecte Grange couvre le tout de toitures briardes de tuiles plates. Le gymnase, l’équipement sportif des pelouses et des prairies répondent à leurs objectifs, mais l’administration demeure au château.

Enfin, de 2005 à 2010, un troisième lycée voit le jour, plus gai, conçu selon les normes les plus contemporaines. De vastes espaces communs sont ménagés, le dispositif est recentré notamment par une grande barre qui sert de trait d’union entre des parties jusque-là disparates, l’administration y étant incorporée de façon à assurer et conforter l’émergence d’une communauté lycéenne. Le collège, longtemps incorporé au lycée, après avoir pris ses distances au plan institutionnel, en est physiquement détaché, affirmant un style et des dispositions qui lui sont propres. C’est à cette époque que l’établissement est baptisé Rosa Parks, du nom d’une militante antiségrégationniste américaine.

Une pédagogie en avance

Trois étapes jalonnent donc l’évolution architecturale de l’établissement. Au fil des décennies, pour des raisons plus financières que pédagogiques, du fait aussi de la massification de l’enseignement, et en dépit de bien des résistances locales, le statut de la maison est passé par de nombreuses phases : classes nouvelles jusqu’en 1952, lycée-pilote, puis expérimental en 1972, lycée général et technologique dans les années 1980; et depuis ce moment, une situation normalisée que l’on peut regretter, tant les marques d’un passé brillant, annonciateur du présent, restent aujourd’hui encore, indélébiles.

Au départ, les éducateurs, rassemblés en équipes, et leurs élèves accèdent ensemble à la connaissance, au moyen de méthodes actives et du décloisonnement des disciplines pour une formation globale, à la fois intellectuelle, psychique, physique, civique. Le but est de discerner dans le jeune, l’adulte qu’il pourra devenir. De là, une très large ouverture sur un foisonnement étonnant d’enseignements, sur le monde et sur la vie, en un véritable campus à l’anglo-saxonne. Une ruche en pleine effervescence ! Développement de la lecture, activités dirigées, études du milieu naturel et humain, ateliers de travail manuel (du travail du bois à la céramique et à la tapisserie), options artistiques (du mime au cinéma), section sport-études. La liste n’est pas close avec l’apprentissage de la langue et de la civilisation chinoises, enrichi de voyages initiatiques dans l’ancien Empire du Milieu !

Un des plus grands lycées de France

Dubitatifs à l’origine, les parents s’étaient bien impliqués dans l’expérience. Aujourd’hui, l’âge d’airain ayant suivi l’âge d’or, le lycée accueille, collège compris, près de 3200 élèves. Avec plus de 2600 élèves à lui seul, le lycée est le 5^e plus grand de France et le second de la région et de l’académie de Versailles. Il leur propose une gamme exceptionnelle de baccalauréats : littéraires, scientifiques, économiques et sociaux, technologiques, techniques commerciaux et industriels. On est loin des 146 partants de 1946, mais cette diversité est bien l’écho d’un brillant passé, tout comme l’heureuse persistance d’une ambiance plutôt détendue. Ainsi va le lycée de Montgeron, appellation qui lui sied parfaitement : placé au cœur de la cité, il fait désormais corps avec son histoire et son identité.