Dans les années 1910, Montgeron aurait pu devenir une station climatique, reconnue pour les bienfaits de son air pur et de son environnement.
Au début du XXe siècle, les lieux dont le climat apporterait du bien-être sont très à la mode. On parle alors de station climatique pour une localité accueillant des établissements de soin profitant d’une localisation bénéfique. Une loi de 1910 fixe les conditions pour bénéficier de ce classement qui apporte de forts avantages financiers pour les communes.
En 1918, la Ville devient propriétaire de l’avenue de La Grange, une allée de plus de 5 hectares. Pour financer son entretien, les édiles ont le projet d’élever la ville en tant que station climatique et d’établir une taxe de villégiature.
Par une délibération du 9 avril 1918, le conseil municipal demande au préfet de Seine-et-Oise d’autoriser Montgeron à s’ériger en station climatique et à percevoir la taxe spéciale prévue par la loi.
Le conseil municipal se fondait sur plusieurs éléments. Tout d’abord sur un fait quantitatif : une délibération de 1869 estimait à 500 le nombre de villégiateurs séjournant dans la commune à la belle saison, tandis que les édiles de 1917 les évaluent à 600 environ. Rapportés à la population permanente, ces estivants représentent une augmentation saisonnière de 17 à 30 % : chiffre d’autant plus impressionnant que l’époque est celle des villégiateurs aisés et non du tourisme de masse.
Un site merveilleux
La qualité du site montgeronnais fournit un second argument pouvant justifier l’élévation de la ville au rang de station climatique. Dans leur délibération, les élus n’hésitent pas à affirmer que Montgeron « par sa position géographique sur un plateau dominant les vallées de l’Yerres et de la Seine, en bordure de la forêt de Sénart, constitue un site merveilleux ». Contrairement à ce qu’on pourrait croire, cette assertion n’est pas l’expression aveugle d’un chauvinisme local ! Elle reproduit plutôt un poncif de la littérature touristique, dont on peut suivre les multiples occurrences tout au long du XIXe siècle. En 1821, Joseph Delort présente la commune comme un « endroit délicieux », dont la « position, tant par les points de vue dont on jouit que par les charmes des environs, est des plus agréables ». Au cœur de ce site admiré, l’avenue de La Grange est perçue comme le principal élément qui confère à la commune son caractère de villégiature. L’achat de la Pelouse par la commune attire l’attention de la Société pour la protection des paysages de France, qui décerne un diplôme d’honneur au conseil municipal de Montgeron pour le féliciter d’avoir acquis cette « magistrale avenue ».
Un air « pur et salubre »
Troisième élément sur lequel s’appuient les édiles, et non le moindre étant donné le but fixé : la salubrité du climat local. L’historien Jean-Charles Gatinot expose les particularités et les bienfaits du climat montgeronnais dans ses livres. « La pluviométrie, observe-t-il, y est inférieure à celle de la capitale. » Il affirme aussi que « l’air qu’on y respire est d’une pureté parfaite, grâce à l’altitude du sol et au voisinage des bois. Les épidémies y sont rares » et le choléra, notamment n’y est jamais apparu. Les élus reprennent à leur compte ce discours sur la qualité de l’air local, qu’ils jugent extrêmement « pur et salubre », au point d’attirer de nombreux malades grâce à l’absence d’usines.
Ce projet, toutefois, n‘est pas la principale préoccupation des élus. Il faut attendre 1921, pour qu’il ressorte du carton. Entre-temps, la législation a changé : c’est désormais la loi du 24 septembre 1919 qui régit les différents types de stations ainsi que les modalités de la taxe, rebaptisée taxe de séjour. Pour se conformer à la loi, les élus prévoient une taxe à 50 centimes par jour et par personne dont le produit est affecté à l’embellissement de la ville, notamment de l’avenue de la Grange. Ils constituent aussi une chambre d’industrie climatique composée de 16 membres, dont des restaurateurs, des médecins et des commerçants.
Le projet n’aboutira finalement jamais. On peut supposer que le point faible du dossier était précisément le volet climatique. Car en dehors d’appréciations subjectives des édiles, jamais de faits précis et de chiffres fiables n’ont été donnés concernant la valeur sanitaire et thérapeutique de l’environnement montgeronnais. En outre, l’échec du projet coïncide également avec le tournant vers une urbanisation croissante et la création de plusieurs lotissements (Chalandray, Dumay…).
Texte écrit en collaboration avec monsieur R. Arpin