Montgeron, le village de mon enfance

Michel et Nicole Rébéquet ont célébré leurs noces de diamant (60 ans de mariage) en août dernier. A cette occasion, ils sont revenus dans la mairie où furent célébrées leurs noces, à Montgeron, et qui fut aussi la maison d’enfance de Michel, fils des gardiens de la mairie.

A l’invitation de Sylvie Carillon, maire de Montgeron, Nicole et Michel Rébéquet sont revenus dans cette mairie chargée de souvenirs, accompagnés de Annie, la soeur de Michel, qui fut longtemps professeure en collège à Montgeron.

Logement de fonction

Michel et Annie ont vécu leur enfance à la mairie. Leur parents en étaient les gardiens depuis 1942. Leur père était appariteur et finira chef du service des élections. Leur mère faisait le ménage dans le bâtiment et devint la première bibliothécaire de la ville. Avec leur grande sœur Lucienne, ils ont occupé un logement situé au 2e étage du bâtiment qui accueille aujourd’hui les bureaux de la direction générale des services.
Leur émotion était forte de retrouver les endroits où ils ont grandi. La rampe en bois si souvent agrippée de l’escalier qui monte au second étage, le palier qui servait de terrain de jeu à Michel, la porte du grenier où jouait son chat, les bureaux qui furent alors la cuisine ou la salle à manger, dans laquelle il dormait.

Le souvenir de Josèphe Jacquiot

Frère et sœur se souviennent quand, pour aider leur mère, ils devaient frotter les parquets des bureaux le week-end à la paille de fer. Leurs parents étant d’astreinte toute l’année, ils ne partaient
pas en vacances. A l’époque, pour appeler les pompiers volontaires, il fallait téléphoner à la mairie et le seul appareil était au rez-de-chaussée. L’installation d’un poste à l’étage a représenté un grand progrès pour la famille. Enfant, Michel dévalait les marches pour déclencher la sirène.

Lui revient aussi la mémoire du premier cambriolage de la mairie: «c’était à l’époque des tickets d’alimentation, Papa criait en haut de l’escalier, et les malfrats se sont échappés.» A travers les fenêtres, ils
découvrent un environnement qui a changé. «A la place des immeubles de la Saussaie, il y avait une belle maison»? confie Annie, qui se rappelle aussi des tilleuls devant la mairie. On aperçoit toujours le Voltigeur. Le café situé en face de la mairie appartenait alors à leurs grands-parents maternels. Michel se rappelle de sa tristesse quand les travaux d’agrandissement de la mairie l’ont privé de sa «forêt», le petit square qui se tenait à la place de la salle des mariages.
Avec beaucoup de tendresse, Annie parle de Josèphe Jacquiot. La première femme maire de la commune avait fait en sorte qu’une salle d’archive soit aménagée en chambre pour elle. «Elle a failli m’adopter,» confie-t-elle. Elle est restée très proche de cette femme dont elle retient la grande humanité. Sa chambre est désormais le bureau de la directrice générale adjointe. Annie y a vécu un grand moment de frayeur, car elle s’y trouvait quand, en pleine nuit, une bombe de l’OAS explosa dévastant la salle des mariage en 1961.
Michel avait déjà quitté la mairie (en 1959) pour entrer à l’école Normale Supérieure. Après avoir été enseignant, il est devenu maire de Villeneuve l’Archevêque pendant 37 ans. Sans doute cette enfance dans une mairie a fait naître en lui une vocation municipale.


Dans une lettre au maire demandant de pouvoir revenir en mairie 60 ans après leur mariage, Michel
a intégré le texte d’une conférence donnée en 2017. Mon Mag reproduit dans ces pages ce témoignage
précieux de la vie de l’hôtel de ville après guerre :

Après le décès de Maman (2014), je me suis replongé dans le « journal » qu’elle a tenu, depuis ses fiançailles, en 1936, jusqu’à la mort de Papa en 1988. Se mêlent au fil des pages, notre histoire familiale, l’Histoire de France et celle de Montgeron. Les souvenirs ont émergé… Mon enfance, la mairie où nous habitions, l’école Jean Macé, le lycée… Montgeron, mon village natal, là où nous nous sommes mariés…
Je suis né à Montgeron, un village de la banlieue parisienne. En bas de la rue de Crosne, à deux pas de la gare. J’avais huit mois lors de la Libération. Il paraît que j’avais dans les cheveux un ruban tricolore pour saluer l’armée américaine un certain 26 août. Le monde de ma petite enfance se limitait à la Mairie de Montgeron. C’est là que nous habitions, au deuxième étage. Mes parents en étaient les gardiens. Papa était venu très jeune de sa Corrèze
natale pour travailler à Paris. Il était « dans le commerce », c’est-à-dire qu’il était commis. Sans doute allait-il prendre l’apéritif quelquefois au café-tabac « le Voltigeur », en face de l’immeuble qui deviendra la mairie, que tenaient mes grands-parents maternels…
En tous cas, il rencontra maman qui, elle, était sténodactylo chez « Pernod » et ils se marièrent à Montgeron le 7 avril 1937. En 1942, on proposa à Papa une place d’appariteur à la commune. Le Maire nommé par le gouvernement de Vichy, M. André, accepta sa candidature. Comme le Conseil municipal de l’époque avait décidé d’installer la nouvelle Mairie au 112 rue de la République, en face de la Rue de Crosne, on proposa à mes parents d’en être les gardiens. Papa sera appariteur, Maman fera le ménage au 1er étage où étaient les bureaux du Maire, des adjoints, du Secrétaire général et la comptabilité. C’était Madame Leroux qui avait en charge les bureaux du rez-de-chaussée. Le logement se situait au 2e étage, deux pièces, une cuisine et des WC. Le luxe ! J’ai gardé le souvenir de ma toilette dans une grande cuvette, à côté de la cuisinière à charbon, dans la cuisine. C’est là aussi que Maman lavait le linge dans une lessiveuse.
Le logement se trouvait à côté des archives et du bureau de M. Gilbert Valat, l’architecte de la commune, qui avait été dans la Résistance. Mon père me confia un jour, qu’ils avaient caché des armes dans les locaux mêmes de la Mairie et que ma mère n’en avait rien su. Les Allemands non plus ! D’ailleurs,
à la Libération, le bureau de M. Gilbert Valat servit de QG aux FFI.
Quelques années plus tard, Le Maire élu après la libération en remplacement de M. Piette (M. André avait démissionné en mai 1944), Mademoiselle Josèphe Jacquiot, accepta d’agrandir le logement.
Une petite salle de bain et une chambre furent les bienvenus ! Le bureau de M. Valat se retrouva au rez-de-chaussée, côté cour. Mais la chambre fut l’apanage de ma soeur, moi je couchais sur un divan, dans la salle à manger. Un petit palier séparait la partie logement des archives. C’était mon terrain de jeux.
Le ballon dévalait parfois les escaliers et je me faisais morigéner si je faisais trop de bruit. Lorsque le temps le permettait, on m’enjoignait d’aller jouer dehors, dans la cour, derrière la mairie. Il y avait là, un grand noyer, un petit massif de fleurs et un bosquet dans lequel je me prenais pour Tarzan, je grimpais, je sautais, je me cachais…
Hélas, l’agrandissement de la Mairie condamna ma « forêt ». Une salle des mariages qui abrita aussi les réunions et au premier étage, les bureaux du maire et des adjoints furent construits. Les parquets vitrifiés étaient moins difficiles à entretenir pour nous qui faisions le ménage. Je dis « nous », car durant les
week-ends, mes parents demandaient à ma soeur et à moi de frotter les parquets des bureaux à la paille de fer. C’était là une corvée !
Au premier étage, il y avait le bureau de la comptabilité où trônait Monsieur Vandevivert qui manipulait avec dextérité une machine à calculer qui devait dater de Pascal lui-même ! Il y avait aussi Madame Vandevivert, Madame Delouche, Mademoiselle Hohl, Mademoiselle Migeolat et parfois Madame Perret qui écrivait à la plume les actes d’état-civil. De l’autre côté du palier il y avait le bureau du Secrétaire général, Monsieur Delouche, le bureau des adjoints et celui de Monsieur le Maire. Le palier servait de
salle d’attente et les jours de réception du Maire, il était plein !
Le Maire, je le croisais parfois lorsqu’il garait sa voiture dans la cour. Je n’ai pas gardé beaucoup de souvenirs de Mademoiselle Josèphe Jacquiot, une grande dame, première femme Maire de Montgeron qui s’était montrée très gentille avec nous. Mais lorsque je la rencontrais, je passais devant chez elle
pour aller au stade alors en bordure de la Pelouse (je jouais au foot à l’Entente Sportive Montgeronnaise), je la saluais avec beaucoup de respect car elle m’impressionnait.
Je me souviens surtout de Monsieur Armand Cachat, que je saluais enfant, par un « Bonjour, Monsieur Crachat » qui faisait sourire ceux qui m’entendaient, mais pas lui. Je l’ai connu valide, puis claudiquant suite à un accident. Je me souviens que lors d’une de ses réélections, il avait été accueilli par ses amis qui
avaient entonné en son honneur « Tiens, voilà du boudin »… Monsieur Cachat avait été officier dans la Légion étrangère.
J’étais présent avec mes parents à ces vins d’honneur, car j’aidais à préparer la salle, à servir les vins et à passer les petits gâteaux. De même très tôt, je sus comment se déroulaient les opérations de vote car j’assistais mon père qui avait été promu chef du bureau des élections. Monsieur Cachat, devenu député-Maire, ne m’avait pas gardé rancune car il tint à célébrer lui-même notre mariage (le 3 août 1963) quelques années plus tard, dans la mairie de mon enfance.
Je me souviens aussi du grand bureau qui accueillait le public au rez-de-chaussée. Il y avait là, Monsieur Guillaume, Monsieur Corti, l’appariteur qui avait remplacé mon père quand celui-ci avait pris de l’avancement, et d’autres encore. Quelques aménagements plus tard, des bureaux prirent place de l’autre côté du rez-de-chaussée de la Mairie. Et au fond du dernier bureau, il y avait… le bouton de
la sirène !
A cette époque, lorsqu’on voulait appeler les pompiers, tous des volontaires non professionnels, on téléphonait à la Mairie. La sirène sonnait alors et lorsque les pompiers étaient arrivés à leur garage
où était parquée la « Rosalie », dans la cour de l’école primaire, sur la place de l’église, ils téléphonaient à la mairie pour connaître l’adresse du sinistre.
Cela arrivait même la nuit, même les dimanches et jours fériés et quand le téléphone sonnait, au rez-de-chaussée, mon père ou ma mère, descendait les deux étages pour répondre. On finit par leur installer un poste téléphonique dans l’appartement, surtout pour gagner du temps ! Cette astreinte téléphonique faisait que pendant des années, mes parents n’ont jamais pris de vacances ou alors séparément, pour quelques jours. De plus, il fallait qu’il y ait toujours quelqu’un à la maison en dehors des heures de bureau. Dès que je fus en âge d’atteindre le téléphone, il m’arrivait de répondre et lorsque c’était pour les pompiers, j’étais heureux ! Je dévalais les deux étages, j’allais prendre la clé du bureau qui était accrochée dans un placard du rez-de-chaussée
et j’appuyais sur le bouton de la sirène, un coup, deux coups ou trois coups selon le code que m’avait seriné mon père. Puis j’attendais l’appel des pompiers pour les informer des faits et leur donner l’adresse du sinistre que j’avais soigneusement notée.
Ma mère a toujours été une grande lectrice, aussi quand on lui proposa de travailler à la bibliothèque municipale, elle accepta avec joie… et fierté. Pensez ! C’était une promotion pour une femme
de ménage même munie d’un diplôme de sténodactylo ! Devenue directrice de la bibliothèque, elle s’investit énormément dans ses nouvelles fonctions et lorsqu’elle fut admise à la retraite,
beaucoup d’usagers la regrettèrent. Elle aussi les regretta et regarda de plus loin le développement de ce service qui quittera les locaux de la Place Rottembourg pour prendre place, un peu plus tard, dans l’actuelle médiathèque.
Pendant 37 ans, une autre mairie, celle de Villeneuve l’Archevêque, fut ma « résidence secondaire » comme me l’a reproché parfois mon épouse ! Alors quand je passe devant la mairie de Montgeron, bien qu’elle soit quelque peu défigurée par rapport à mes souvenirs d’enfance, je ressens comme un brin de
nostalgie. »

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